Dans la brume [pv Melhya]

Ellundril ouvrit la fenêtre et se glissa dans la rue. Elle préfèrait sortir la nuit, le seul moment de la journée où les rue ne grouillaient pas de monde. Le calme règnait. Une envie soudaine se fit sentir dans ses doigts. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas escaladé quelque chose. Depuis qu'elle avait quitté la citadelle. Une maison se trouvait à proximité. Parfait, elle commença à grimper. Un batiment, plus haut. Elle se hissa dessus. Un autre encore ... Elle continua comme ça longtemps gagnant de la hauteur à chaque fois. Elle était arrivée très haut, près des tours. Ces fameuse tours qui étaient si merveilleuse. Elle repira une grande bouffée d'air. Le vent sentait la liberté. Elle resta quelques temps à regarder la lune et les étoiles. Le froid commençait à se faire mordant et le vent fouettait son visage. Elle décida de descendre quand une voix de femme dans son dos déclara : "Bonne soiré pour regarder le ciel ?"

Melyah, avant de repartir d'Al-Jeit le lendemain aux aurores, avait décidé de s'accorder une promenade nocturne sur les toits de la capitale. Et de s'entraîner aussi à chevaucher la brume. Sur la plus haute tour, elle laissa la brume l'entourer comme un cocon et se concentra, sentant la liberté qui la pénétrait ainsi. Elle ne fut plus là. La brume la déposa sur un bâtiment plus bas, d'où on pouvait voir les tours. Elle avança lentement, sans faire le moindre bruit. Le froid la glaçait de part en part et un vent violent s'amusait à rendre l'avancée encore plus pénible. Peu importait, elle était heureuse, et puis l'air vif dégageait le ciel où la voie lactée brillait avec un éclat peu commun. Elle sourit puis baissa les yeux et son regard tomba sur une jeune fille qui, lui tournant le dos, observait elle aussi le ciel.
*Ce n'est pas une ennemie* pensa-t-elle, en voyant dans son maintien qu'elle était probablement marchombre. Toutefois, elle restait sur ses gardes. Sans être paranoïaque, le nombre de traîtres dans les rangs marchombres était trop important pour qu'on puisse se fier à n'importe qui.
De toute façon, les merçenaires du Chaos la craignaient.

"Bonne soirée pour regarder le ciel ?" lança-t-elle d'un ton laconique dans le dos de la jeune fille, qui sursauta. Melyah s'avança d'un pas souple, sauta sans effort sur le toit de l'autre bâtiment, où se trouvait l'observatrice.

Ellundril se retourna, surprise. Une dame se tenait devant elle. Surement une marchombre vu la façon dans elle se tenait. Elle n'était pas trop grande mais elle l'intimidait. La marchombre paraissait à la fois sur ses gardes et détendue. De toute façon, Ellundril n'éveillait aucune peur en elle. "Oui, la nuit est calme pour réfléchir." La marchombre balaya du regard les alentours. "Une personne normale ne pourrais pas monter jusqu'ici, surtout pour regarder les étoiles ? Tu es marchombre ? demanda t-elle.
- Non, j'étais frontalière.
- J'étais ?"
Ellundril se disputa interieurement. Pourquoi est-ce qu'elle racontait sa vie perchait sur un toit ? Mais le processus avait était lancé, il fallait une réponse.
"C'est une longue histoire ...

[hého ne me fais pas parler]
L'autre l'intriguait. Elle était frontalière. Ou plutôt avait été. L'intérêt que Melyah portait à l'histoire, pourtant, ne servait qu'à cacher la sienne. Ses tumultueux et lourds secrets qui pesaient dans son esprit et son coeur. Et maintenant, quand elle rencontrait quelqu'un d'autre, elle préférait éluder d'avance ses questions sur elle même en en posant d'autres. Souvent, en tout cas.
"Les nuits étoilées sont propices aux histoires. Le confort n'est pas ce qui manque, sur un toit" répliqua la marchombre avec un sourire narquois. "Je t'écoute" ajouta-t-elle *puisque tu as tellement envie de parler* compléta-t-elle intérieurement, tout en s'asseyant le plus confortablement qu'on pouvait sur un toit.
La condensation de l'eau qui formait la brume qu'elle avait chevauché avait trempé son corsage et humidifié ses longs cheveux roux sombres. Elle passa sa main dans ses mèches et invita d'un regard la frontalière-qui-n'en-était-plus-une à s'assoir près d'elle.
Dans ses yeux dorés, Melyah ne put s'empêcher de laisser briller une pointe de curiosité, que la nuit cachait un peu. Et cette curiosité la surprit : après tellement de temps à s'être désintéressée du monde, à part pour traquer et tuer les Merçenaires du Chaos et les Mentaïs et pour vivre sa liberté, elle ne pensait pas s'intéresser à l'histoire d'une fille qu'elle ne connaissait même pas.
Haussant les épaules, elle la regarda et attendit qu'elle commence à raconter.

[désoler

]

Ellundril commença à parler des heures et des heures. Comme si un barage maintenait depuis trop longtemps un flot de paroles qui, maintenant, coulait infiniment. Pourtant cette rivière ne semblait pas se tarir. Elle essaya de faire court sans pour autant omettre les détails. Quelques minutes plus tôt, la femme était une parfaite inconnue. Maintenant, Ellundril lui parlait comme à une soeur. Elle avait l'imprésion que la marchombre réchauffait l'athmosphère par sa seule présence. En plein milieu de son récit, elle s'arrêta , se rappelant cette terrible journée ou des mercenaires s'étaient attaqués à son petit village. Pendant près d'une demi-heure, elle broya du noir les yeux clos. Elle avait complètement oublié la marchombre qui se trouvait à ses côtés.

Melyah écoutait comme elle n'avait jamais écouté. Etait-ce une simple curiosité, ou le besoin désespéré d'entendre l'histoire d'une autre pour effacer ses tristes souvenirs ? Elle n'en savait rien, et la seconde option n'était de toute façon pas envisageable, elle ne pourrait jamais oublier ce qu'elle avait vécu. La jeune femme s'aperçut soudain qu'Ellundril ne parlait plus. Les yeux fermés, elle paraissait perdue dans ses pensées.
D'une voix douce, Melyah remarqua "Tu ne m'as pas dit pourquoi tu n'étais plus frontalière." Le ton laissait supposer que la narratrice avait le choix entre continuer ou s'arrêter, ce n'était pas une marchombre qui priverait qui que ce soit de sa liberté. En attendant de savoir, la jeune femme laissa ses pensées naviguer sur la noire tempête de ses souvenirs. Elle leva vers le ciel un visage que les larmes innondaient ; puis comme si le vent avait chassé sa tristesse, elle sécha ses larmes et sourit. Sourire qui s'effaça vite. Ses émotions avaient toujours été ainsi, passagères. Son maître disait autrefois qu'elle était plus lunatique que la lune, et de fait, il avait raison.
Pour détourner ses pensées, elle se mit se passer dans sa tête le film qu'elle se faisait de ce qu'Ellundril avait vécu. Lorsqu'elle se retrouva tellement prise dans l'histoire qu'elle en eut des sueurs froides, elle arrêta et se reconcentra sur le présent, sur la jeune fille assise à côté d'elle.

La marchombre l'avait arrachée à ses sombres réflexions. Elle posa une question, sa voix se confondant avec le silence de la nuit."Tu ne m'as pas dit pourquoi tu n'étais plus frontalière." Ellundril sentait que la jeune femme n'attendait pas de réponse particulière, elle la laissait parler. Ellundril ne dit que trois mot, elle aimait trop la musique du silence pour la troublée. "Juste la liberté" chuchota t-elle. Elle leva la tête. Derrière les montagnes, les premiers rayons de soleil scintillaient colorant le ciel de rose. Ellundril ouvrit les bras et ... sauta. Du coin de l'oeuil, elle crue apercevoir la marchombre essayant de la retenir. Peut-être pensait-elle que seul les marchombres était capablent de sauter à une tel auteur sans se blesser. Elle atterrie quelques mètres plus bas, en roulé-boulé, sur le toit plat d'une batisse en pierre. "Vous allez rester là-haut jusqu'à ce que la ville se réveille ?" lança t-elle d'une voix ironique.

Melyah regarda Ellundril, sceptique, se demandant si elle doutait de son savoir faire. Avec un sourire inspirant le défi, elle sauta à son tour. Pas vers le bas. Vers le haut. Elle exécuta un gracieux saut périlleux avant d'atterrir sur le même toit que la jeune fille. Directement debout, sur ses pieds, fléchissant à peine les genoux pour accompagner le mouvement. Une grâce féline se dégageait de chacun de ses gestes. "Je n'ai surtout pas l'intention de perdre mon temps. Alors, on descend ?" fit la jeune femme sans l'ombre d'un sourire, pourtant son intonation aurait pu passer pour sarcastique. Ses longs cheveux roux sombres flottant derrière elle, elle s'approcha du bord du bâtiment et le désescalada à une vitesse inimaginable. Arrivée en bas, elle cria vers le haut : "Alors, tu as peur de descendre ?"
Ce n'était pas un défi. Depuis des années, elle savait que l'important, pour un marchombre, était de se surpasser soi même, et pas de surpasser les autres. Voilà pourquoi elle passait sa vie à s'entraîner et à battre un par un ses propres records. Et pourtant elle passait pour l'une des plus douées, il se racontait qu'elle marchait sur les traces des légendes de l'histoire marchombre, voire qu'elle les avait déjà dépassés.
Les yeux toujours plissés pour braver la lumière du soleil levant, elle leva les yeux vers le toit, attendant qu'Ellundril la rejoigne.
Si l'envie l'en prenait.

La marchombre sauta des tours pour attérir gracieusement à ses côtés. "Je n'ai surtout pas l'intention de perdre mon temps. Alors, on descend ?" lança t-elle. Un souffle de vent souleva sa longue chevelure rousse. Sans qu'Ellundril puisse executer le moindre geste, la jeune femme se mit à désescalader le mur avec autant de rapidité que de souplesse. Elle en eut le souffle coupé. "Alors, tu as peur de descendre ?" demanda t-elle. Elle aurait pris ça pour un défi si les yeux de la marchombre n'avait pas indiqué le contraire. Elle recula de quelques pas, courrut jusqu'au bord du toit et sauta dans le vide. Elle fit un saut périeux en l'air et retomba sur ses jambes à côté de la femme. "C'est ma façon de faire." dit-elle en attendant la réaction de la marchombre.

Regardant sauter Ellundril, Melyah eut un sourire. Cette jeune fille serait capable de devenir une excellente marchombre, si elle le voulait. "Tu es certaine que tu n'es pas apprentie marchombre ? Ca me paraît étrange..." demanda-t-elle en riant. Ce jour-là, elle se sentait heureuse.
Puis, plus sérieusement "Tu n'as pas besoin de te justifier devant moi. Je ne suis rien pour toi." Il était toutefois vrai que, voyant les capacités d'Ellundril, Melyah se demandait si le moment n'était pas venu de rompre sa solitude et de lui proposer de devenir son apprentie, s'il s'avérait qu'elle ne l'était pas déjà. Mais ce qui était arrivé à son premier et dernier élève la laissait encore tremblante et sanglottante certaines fois, et elle doutait énormément de ses capacités à enseigner.
Elle commença à avancer de sa démarche féline et silencieuse en attendant qu'Ellundril lui réponde, et celle-ci avança à côté d'elle.
Les premiers passants commençaient à circuler dans les rues, piétinant les pavés avec des bruits éléphantesques comparés au silence des deux femmes. Parfois, quelqu'un les dévisageait d'un air étonné, avant de se détourner et de se concentrer sur sa propre vie. Les gens étaient trop égocentrique pour s'occuper de quoi que ce soit qui ne les concerne pas, hormis les commérages. Melyah passa une main dans ses cheveux pour les rejeter en arrière, tic qui lui était devenu familier depuis quelque temps.

Ellundril attendit avant de répondre, préparant ses mots. "Vous allez me trouver bizarre. Mon père était dessinateur, ma mère de sang faël, mon oncle était devenu rêveur et moi, une petite fille égarée grandissant avec les frontaliers mais ayant toujours voulu être marchombre. Il ne me manquerait plus qu'un mari Thül et un enfant Mentaï. Mais non, je n'ais pas de maître." Elle essaya de faire de l'humour, mais son visage se voila de tristesse losqu'elle évoqua ses parents. Elle se ressaisie affichant un sourire énigmatique. "Que diriez-vous d'un petit échauffement pour commençait la journée ?" Sans attendre la réponse (elle n'attendait jamais la réponse), elle se retourna et commença à courir en direction des écuries. Cependant, elle lui lança une dernière phrase : "Je vous attend devant les porte de la ville." Elle leva la tête vers le ciel et son rire cristalin emplit la rue.

Melyah regarda Ellundril partir à fond de train. Elle eut un sourire énigmatique et tourna dans une des rues transversales, tout en se posant comme à son habitude des centaines de questions à la fois. Pourquoi pas ? Pourquoi ? Serait-ce envisageable ? Comment auraient réagi les autres ?
Elle récupéra son cheval et arriva aux portes de la ville bien avant Ellundril, grâce au raccourci qu'elle avait pris. Al Jeit était le seul foyer qu'elle ait jamais eu, et de fait elle connaissait la capitale mieux que sa propre poche. Le cheval qu'elle montait depuis maintenant plus d'un mois était un merveilleux alezan roux auquel elle n'avait pas pris la peine de donner de nom. Quand elle l'appelait, elle l'appelait "No name"
Les portes étaient à cette heure là entièrement ouvertes et un flot continu de visiteurs qu'ils soient négociants, nobles, soldats, chevaliers, simples Alaviriens ou crapules de la pire espèce se déversait à l'intérieur de la ville. Ceux qui en sortaient étaient en revanche bien plus rares.
Les yeux exercés de Melyah eurent leur attention captée un instant par un homme qui se détachait des autres par sa façon de marcher, et qui sortait lui aussi de la ville. Une aura de dangerosité flottait autour de lui. *Lui, il n'est pas comme les autres* pensa-t-elle. Mais la jeune femme préféra garder ses réflexions pour elle. On verrait bien ce qui adviendrait.
D'ailleurs, Ellundril la rejoignait enfin, tenant son cheval par la bride.
"Tu en as mis du temps ! C'est ça de vouloir donner des ordres à quelqu'un qui a plus d'expérience que toi. On y va ? " proposa Melyah avec un grand sourire, tout en enfourchant No Name.

Ellundril courait toujours vers les écuries bien que, elle le savait, la marchombre arriverait avant elle. Elle prit sa jument par la bride et se dirigea vers les portes de la ville. Les rues d'Al Jeit commençait à se remplir. Elle aperçut, près d'elle un jeune homme qui marchait d'une façon reconnaissable entre mille : c'était un marchombre, ou un mercenaire. Devant les grande portes, la maître marchombre l'attendait. "Tu en as mis du temps ! C'est ça de vouloir donner des ordres à quelqu'un qui a plus d'expérience que toi. On y va ?
- Allons-y !" Ellundril sauta sur Etoile de nuit suivie la monture de la jeune femme. "Serait-ce une offense à un marchombre si je lui demandais son nom ?" demanda-t-elle ironique.

Les deux jeunes femmes lancèrent leurs chevaux au galop et, tandis que le vent fouettait leurs cheveux et que les herbes ployaient sous la foulée puissante des animaux, l'énigmatique marchombre répondit à la question d'Ellundril " Je m'appelle Melyah Lyyant, j'ai 18 ans et nous sommes suivies par un.. non trois Mercenaires du Chaos, si tu veux tout savoir." répondit-elle avec un grand sourire en arrêtant et faisant pivoter No Name.
Montés sur leurs propres chevaux, les Mercenaires ralentirent en voyant que celles qu'ils suivaient s'étaient arrêtées. Un ange passa tandis que le face à face silencieux s'éternisait. Melyah reconnut dans l'un de ses poursuivants celui qu'elle avait repéré plus tôt. Dans sa tête, elle jura. Elles devaient être surveillées. Peut être à la suite de sa rencontre avec l'impératrice Mentaï. Elle avait sûrement été classée "dangereuse". D'un mouvement souple, elle se laissa glisser à terre. Avec un sourire ironique, elle lança à Ellundril "Si tu n'as pas envie de te battre, tu n'es pas obligée, yen aura plus pour moi !"
Un des mercenaires lança alors son cheval au galop, levant sa dague, prêt à embrocher la marchombre. Qui s'écarta à peine pour éviter de passer sous les sabots de l'animal, et d'un coup de dague sectionna la sangle de la selle. Celle-ci commençait à basculer sur le côté et le mercenaire serait tombé s'il n'avait eu la présence d'esprit de sauter. Ils se retrouvèrent face à face. Melyah s'avança de sa démarche féline et esquiva un coup de dague. Ses mouvements presque caressants tant ils étaient liés et souples, étaient d'une précision incroyable. Elle bloqua un second coup qui aurait dû lui trancher l'artère aorte, puis porta un atémi sauvage entre les côtes de son adversaire. Ses doigts, légèrement recourbés, frappèrent ensuite un endroit précis du cou du Merçenaire, qui s'écroula. Mort.
"Tu en veux un ou je m'occupe des autres ?" demanda encore Melyah, légèrement essouflée en se retournant vers Ellundril. Les autres paraissaient stupéfiés de la vitesse à laquelle elle s'était débarassée de son adversaire, mais ils n'abandonneraient pas, quelles que soient leurs chances de gagner.

A peine la marchombre eut-elle finit sa phrase qu'Ellundril dégueina un grand sabre frontalier. Melyah ne croyait tout de même pas qu'elle lui laisserait à elle seule ! Elle s'approcha de l'ennemi et ... feinta. Elle tira de sa ceinture un poignard en argent et frappa trois fois. Une fois à la gorge, une fois au coeur et une fois au foie. Quand elle se redressa, elle remarqua que la maître marchombre en avait déjà finit avec son adversaire et la regardait avec attention. Ellundril lui demanda, taquine : "Pas mal comme échauffement ! Il viennent souvent vous rendre visite ?" Melyah la regardait toujours mais quelque chose avait changé dans son regard. Comme une lumière qui depuis longtemps ne s'était pas rallumée.

Melyah admira la technique d'Ellundril. Elle n'avait pas cette allure typique des marchombres quand ils se battaient, mais elle était une excellente guerrière. ELle adressa un sourire à la jeune fille. "Disons que les Mercenaires et moi sommes de vieilles connaissances. Ils ne peuvent pas se passer de moi !" lança-t-elle avec un clin d'oeil tout en passant souplement derrière le dernier ennemi et de l'attraper contre elle avant de frapper violemment sa pomme d'adam du tranchant de la main, avant d'appuyer une dague sortie de nulle part contre la tempe du Mercenaire. "Bouh" fit elle, laconique, avant d'enfoncer la lame et de laisser tomber le corps sans vie de son adversaire.
"Plutôt pas mal comme combat. J'en ai connu des plus coriaces. Ceux-ci devaient être des élèves. En parlant d'élève, je dois dire que ton style me plaît mais que tu as encore beaucoup à apprendre. Offre moi trois ans de ta vie, et je m'engage à faire de toi une véritable marchombre. Une des meilleures de toutes. Trois ans de ta vie pour devenir totalement libre, et pourtant trois ans où tu devras m'obéir. Ne me donne pas de réponse tout de suite. Prends le temps de réfléchir. Je reste à Al'Jeit plus longtemps que prévu. Si tu es d'accord, retrouve moi cette nuit sur le toit où nous nous sommes rencontrées. Si tu ne l'es pas, ne viens pas, mais ce sera ta seule chance. A l'aube, je serais partie." annonça-t-elle.
Puis, avec un sourire léger flottant sur ses lèvres, elle rejoignit son cheval et monta d'un bond souple sur le dos de son étalon, qu'elle montait sans selle ni bride. Ses cuisses fines pressèrent les flancs de l'animal, et elle repartit vers la ville.

Pour devenir totalement libre, un marchombre doit d’abord offrir trois ans de sa vie ? Un sacré paradoxe ! Mais c’était quand même une belle occasion à ne pas rater ce que lui proposait Melyah. Elle réfléchit quelques secondes. D’ailleurs, avait-t-elle besoin de réfléchir ? Elle connaissait déjà sa réponse, c’était oui, oui et oui ! Elle ira retrouver la marchombre en haut des tours, elle lui offrira trois de sa vie et elle deviendra l’apprentie et Melyah le maître. Bon programme pour commencer. Contente, elle sauta sur sa monture et partit au galop dans les alentours. Elle attendait le soir avec impatience ...

Melyah était rentrée à Al Jeit. Son cheval remis aux écuries, elle se mit à marcher dans la ville, s'achetant une nouvelle dague. Puis elle escalada une tour et entra par la fenêtre dans son propre appartement, légué par sa mère, qui était noble. C'était une habitation magnifique, où poussaient des dizaines de plantes qui la faisaient ressembler à une jungle pleine de senteurs et de couleurs. D'immenses baies vitrées faisaient entrer la lumière à flot, et au centre de l'habitation, un bassin coulait, au dessus duquel une ouverture dans le toit couverte par une vitre créait une ambiance magique. Souvent, la jeune femme se prenait à penser que son appartement ressemblait plus à un jardin qu'à autre chose. La marchombre s'y trouvait rarement, mais avait pris l'habitude de dormir chez elle plutôt qu'à l'auberge. Elle mangea un peu et prépara les affaires qu'elle allait emmener pour son voyage, puis elle s'entraîna au combat, noyant dans une dépense folle d'énergie les relents de tristesse qui remontaient comme une vague de tempête dans son esprit. Elle ne voulait pas penser au passé. Elle devait continuer à avancer, et à marcher sur la Voie des Marchombres, pour ceux qui l'avaient quittée trop tôt. L'après-midi se passa ainsi assez rapidement, et lorsque le soir vint, elle monta aux tours...

Elle courrait à vive allure sur les toits malgré l'obscurité quasi totale. Elle allait arriver bien avant l’heure du rendez-vous. Elle fit un salto et atterrie souplement sur le toit où elle avait rencontrée Melya, la maître marchombre. Elle sentie une présence dans l’atmosphère. Melyah apparut à côté d’elle. Apparemment, elle n’était pas la seule à ne pas tenir en place. « Bonne soirée pour regarder le ciel ? » dit Ellundril à la marchombre. Celle-ci sourie et répliqua : « Tu vas rester ici jusqu'à ce que la ville se réveille ? » Ellundril sourie à son tour et faillit répliquer : Je n'ai surtout pas l'intention de perdre mon temps. Mais elle préféra répondre d’une voix chargée d’ironie : « Il me semble que c’est le maître qui montre à l’élève et pas l’inverse. »

« Il me semble que c’est le maître qui montre à l’élève et pas l’inverse. » fit Ellundril, d'un ton chargé d'ironie.
Melyah sourit à la fin de ce dialogue :"Il me semble que l'élève devrait apprendre à retenir son insolence." répondit-elle, sarcastique.
"Très bien, dans ce cas, suis moi ! J'espère que tu es prête à quitter Al-Jeit, je n'y suis restée que trop longtemps, je m'ennuie des grands espaces. Allez hop, on déménage ! " ajouta-t-elle en se lançant dans le vide. Elle se rattrapa au dernier moment à une tige de fer qui sortait du coin de la tour, fit un tour dans les airs, se lâcha de nouveau et atterrit sur ses pieds sur la terre ferme.
"Alors, qu'est ce que tu attends pour descendre ?" demanda-t-elle les yeux levés vers son élève. Le sommet de la tour où elle se trouvait un instant plus tôt était à plus de 40 mètres de hauteur. N'importe quel humain normal serait mort d'essayer ce qu'elle venait de faire. Mais Ellundril avait déjà un bon niveau, elle mettait donc la barre haut.
La maître marchombre avait les mains dans les poches, dans une attitude semblait-il décontractée. En réalité, elle était sur ses gardes, prête à intervenir si les choses se passaient mal.

Elle regarda la ruelle en contrebas. Quarante mètres la séparant du sol. Melyah avait sautée avec une facilité déconcertante. Etait-elle capable de faire pareil ? Elle douta quelques instants puis se ressaisit. Bien sûr qu’elle en était capable ! Sans plus réfléchir elle pirouetta et se balança dans le vide. Soudain, elle fut prise de vertige. Elle se raidit, ses muscles se contractèrent et elle tomba dans une interminable chute, immobilisée. Elle vit la marchombre se ramasser pour bondir et s’agripper au mur qui la surplombait. Ellundril sentit que son maître la retenait par le poignet. « He ben, je ne suis pas passée loin du “the end“. » La marchombre lui lança un regard lui faisant comprendre qu’elle aurait attendu mieux de sa part. Ellundril ne se dégagea de la poigne de Melyah et commença à grimper la tour, rageuse. En haut, elle sauta, fit une pirouette et se laissa tomber. Elle se rattrapa de justesse à mi-hauteur à un toit plat. Elle remonta et se laissa tomber dans le vide. Elle recommença encore et encore jusqu’à arriver à se poser sur le sol aussi souplement que sont maître. Enfin satisfaite, elle alla rejoindre Melyah, qui la regardait progresser. Ellundril planta ses yeux dans ceux de la marchombre : « J’ai beaucoup de progrès à faire …
 Ca tombe bien, tu viens de devenir apprentie. »

Melyah observait Ellundril s'entraîner, et un sourire flottait sur ses lèvres.
« J’ai beaucoup de progrès à faire" lui dit la jeune fille en la rejoignant
" Ca tombe bien, tu viens de devenir apprentie. » répondit Melyah, ses yeux dorés devenant soudain d'une douceur incroyable. "A présent, on part. Nous reviendrons à Al'Jeit plus tard, pour le moment, il y a beacoup trop de choses à faire dans le monde pour se contenter d'une simple ville."

Le maître et l'apprentie s'éloignèrent, traversant les rues encore désertes à cette heure, allant récupérer leurs chevaux.
Les portes d'Al'Jeit s'ouvrirent sur elles comme les portes de la Liberté. Les soldats qui la gardaient ne posèrent même pas de question. On ne retenait pas des marchombres. Grimpant d'un même mouvement sur leurs chevaux, le roux et le noir, elles s'adressèrent un sourire. Puis partirent au galop pour traverser l'Arche, les crinières et les cheveux s'envolant dans le vent, tandis que les soldats les suivaient des yeux d'un air rêveur.
Le soleil se levait tout juste, mais la brume qui s'élevait du Pollimage recouvraient encore la route.
Et, telles un rêve qui s'achève, les marchombres disparurent dans la brume.

[FIN ! à suivre...]

» Dans le nord
» rencontre dans un Miroir
» Cacher dans la forêt
» dans la nuit, sur les marches...
» Akira est dans la place